La rocade pour le contournement nord de Luçon est passée sur des vestiges archéologiques repérés au lieu-dit « Le Jardinet ». Selon les prescriptions du Service Régional d’Archéologie des Pays de Loire, il était nécessaire d’intervenir rapidement sur le terrain, avant la réalisation des travaux, afin de collecter toutes les informations permettant de reconstituer la vie des hommes néolithiques* vivant déjà aux Magnils-Reigniers, il y a près de 5000 ans.
Ce site a été découvert grâce à des photographies aériennes prises par l’Institut National Géographique dans le années 80. Plusieurs autres sites de même nature étaient connus en Vendée depuis la fin du XD(ème siècle et avaient été identifiés comme des habitats Préhistoriques. Aujourd’hui, les prospections aériennes réalisées sur toute la région nous permettent de savoir qu’il existe plus de 150 sites ressemblant à celui des Magnils-Reigniers, sur le pourtour du marais poitevin.
Le site du Jardinet est installé à moins de 2 Km au nord du Marais, sur un replat, à dix mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette position assurait aux hommes une certaine quiétude puisqu’ils n’étaient pas soumis aux remontées éventuelles du niveau du marais. Ils bénéficiaient par contre de toutes les richesses issues de ce dernier, comme les coquillages ou le sel. Sur le terrain, les vestiges de l’occupation néolithique sont matérialisés par un fossé principal, de forme ovale de près de 800 mètres de périmètre, avec une superficie interne d’environ deux hectares. Il est large de 3 mètres, avec, par endroits, des élargissements à 5 mètres. Sa profondeur varie entre 1.50 mètre et 2.50 mètres. Des entrées, dites « En pinces de crabe » formées par deux fossés interrompus, sont régulièrement disposées le long du fossé. Un autre fossé, plus étroit et moins profond, est parallèle au premier. Il correspond à une palissade constituée de poteaux jointifs.
Entre les deux fossés, un talus contenant de gros blocs calcaires servait de contrefort à la palissade. Ce talus s’est, à un moment écroulé dans le grand fossé lors d’un premier abandon du site. Nous avons aussi les traces d’un fossé plus ancien que le grand fossé, elles concernent la toute première occupation de la zone. Pour l’instant, nous savons qu’il a aussi été creusé au Néolithique mais dans une phase plus ancienne qui doit être précisée, grâce à l’étude du matériel archéologique et aux datations par le radiocarbone sur les ossements animaux.
La fouille réalisée sur le tracé de la rocade visait à répondre à plusieurs questions posées par une telle découverte. Il s’agissait dans un premier temps de déterminer à quelle époque les différents fossés avaient été creusés et utilisés, et, dans un deuxième temps de comprendre la fonction de structures archéologiques aussi importantes, pour la construction desquelles il avait sans doute fallu mobiliser un très grand nombre d’hommes.
Pour répondre à ces questions, une fouille minutieuse était nécessaire. Plusieurs tranchées ont été ouvertes dans le fossé principal. La fouille a été réalisée manuellement à l’aide de truelles, ou plus rarement, de pelles et de pioches, en suivant les différentes couches archéologiques qui se différencient par leur couleur, leur texture ou encore la quantité de pierres qu’elles contiennent. Tous les objets ont été prélevés par couches et numérotés. Cela permet de faire des observations très fines sur le remplissage des fossés et la position du matériel archéologique volontairement rejeté dedans.
En effet, ces fossés, après avoir eu une première fonction défensive, ont servi de « poubelle ». On trouve donc des ossements d’animaux domestiques tel que le bœuf, le mouton ou encore le porc. Cela nous renseigne sur le type et l’âge des animaux élevés par les hommes pour la viande, le lait ou encore leur force pour les travaux agricoles. On retrouve aussi de nombreux fragments de poteries dont les formes indiquent la fonction des vases alors que les décors illustrent la période où ils ont été réalisés. Ainsi, il existait de très grands vases de stockage, non décorés, qui servaient à conserver des aliments ou différentes sortes de liquides.
D’autres vases, plus petits, mieux finis et décorés avaient une plus grande valeur esthétique. Nous avons mis au jour de nombreux autres types d’objets. Par exemple, des pics en bois de cerf étaient fréquemment déposés au fond des fossés. Ce sont des outils qui servaient au creusement de ces fossés et qui étaient abandonnés à la fin du travail. On trouve aussi des haches polies et des gaines de haches qui permettaient de débiter du bois. Des blocs de granit ou de grès ont été découverts. Ils servaient de meule ou de broyeur pour les céréales.
Enfin, plusieurs outils en silex nous donnent des indications sur les activités pratiquées à proximité des fossés : la découpe des peaux de bêtes, de la viande ou la chasse avec les pointes de flèches.
Pour l’heure, l’interprétation du site est loin d’être certaine. Les études sont encore en cours. Il va falloir étudier en détails tous les vestiges découverts dans les fossés pour comprendre à quels types d’activités les habitants du Jardinet se sont livrés ici.
L’absence totale de structures d’habitat laisse penser qu’aucun bâtiment ou maison n’existait de ce côté ci de l’enceinte. Sur d’autres enceintes, ou l’intérieur a été totalement fouillé, aucun bâtiment n’a jamais été rencontré. Cela est du soit à une érosion de la surface qui a fait disparaître les structures les moins profondes, soit à une réelle absence, les hommes n’habitant pas directement dans les enceintes. La fonction de ses sites est donc très difficile à déterminer : sites fortifiés, lieux de rencontre, de marché ou encore de rituel religieux… sont les hypothèses les plus fréquemment proposées. Au jardinet, nous avons rencontré plusieurs restes humains, mais aucun squelette entier.
Cela s’explique par le fait que des individus adultes ou nourrissons, ont été enterrés dans le talus qui surplombait le fossé et que lors de la chute de ce talus, les os ont été démantelés. On peut donc penser qu’en plus de servir de protection, ces fossés et ce talus abritaient des activités « religieuses ».
Même si les études sont en cours, on peut d’ors et déjà considérer que la fouille des Magnils-Reigniers était essentielle car elle a apporté de nombreuses informations sur l’enceinte.
Ainsi, grâce au matériel récolté, nous comprenons mieux le mode de vie des hommes néolithiques autour du site. De plus, l’observation fine de la manière dont les fossés se sont comblés, nous renseigne sur la « vie » de ce site qui fait maintenant parti de l’histoire ou de la préhistoire des Magnils-Reigniers.
Compte-rendu réalisé par Sandra Marchand de l’AFAN (Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales) en 2001.
*Néolithique : Période de la Préhistoire, comprise entre 6000 et 2500 ans avant noter ère, où les hommes deviennent sédentaires, pratiquent l’agriculture et l’élevage.
https://journals.openedition.org/adlfi/35825